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Recherches menées à l'Université de Sherbrooke

Briser le cycle des agressions sexuelles

12 juin 2008

Mathieu Courchesne

On estime qu'environ 50 % des mères dont l'enfant a été abusé sexuellement rapportent elles-mêmes avoir été victimes d'agressions sexuelles durant leur enfance. Comment expliquer ce phénomène? Une équipe de recherche de l'Université de Sherbrooke tentera de résoudre cette énigme en examinant les trajectoires de vie des mères victimes d'abus.

«Il y a très peu d'études qui se sont penchées sur ce sujet», explique Karine Baril, doctorante en éducation et coordonnatrice de la chaire inter-universitaire de la fondation Marie-Vincent sur les agressions sexuelles envers les enfants. «Nous connaissons bien le phénomène de la victime devenant agresseur à son tour, mais dans les cas qui nous préoccupent, nous parlons plutôt de mères victimes qui ont des enfants qui le seront aussi, sans qu'elles en soit l'agresseur. Il peut sembler difficile d'expliquer en quoi le fait que leurs mères aient été abusées dans l'enfance influence le fait qu'ils soient à leur tour victimes.»

Étudier les trajectoires de vie

Karine Baril a tout de même émis une hypothèse à ce sujet. «Nous savons déjà que plusieurs facteurs peuvent mettre un enfant à risque d'être abusé sexuellement», explique-t-elle. Parmi ces facteurs, on compte par exemple l'état de santé psychologique des parents.

«Nous savons également qu'une femme ayant déjà été abusée durant son enfance peut présenter certaines séquelles; celles liées au trauma pouvant même disparaître et être réactivées à la naissance d'un premier enfant», mentionne Karine Baril. Les séquelles de ces mères peuvent aller des problèmes conjugaux à la diminution de confiance en soi en passant par les problèmes de santé mentale.

Or les facteurs de risque pour qu'un enfant soit agressé sexuellement correspondent souvent aux séquelles des mères abusées. «Ces données sont bien documentées déjà», précise Karine Baril. Il reste donc à identifier les facteurs communs dans la vie des mères abusées qui font en sorte que le cycle d'agression sexuelle se poursuive.

Pour ce faire, la chercheuse s'intéresse à la trajectoire de vie des mères agressées sexuellement. «Nous voulons connaître leur histoire, leurs moments marquants, explique-t-elle. L'agression sexuelle est un événement important, mais on veut aussi comprendre ce qui se passe après.»

Diminuer le risque d'agression

Les retombées de ces recherches pourraient être très importantes. «Si on peut identifier des facteurs liés à l'histoire de vie chez les mères victimes d'agressions qui contribuent au cycle, on pourra intervenir de façon préventive pour éviter que ce cycle se poursuive, indique Karine Baril. On pourrait alors diminuer chez les enfants de mères agressées le risque qu'ils soient à leur tour victimes d'agressions.»

Karine Baril ajoute toutefois une précision importante : «Notre but n'est pas de faire culpabiliser les mères, précise-t-elle. Nous refusons de parler de transmission de l'abus. Il s'agit plutôt de la poursuite d'un cycle. Dans les cas d'agressions sexuelles, le coupable est toujours l'agresseur lui-même. La mère, même si elle a déjà été abusée dans l'enfance, n'est pas responsable de ce qui arrive à son enfant. Mais les mères doivent savoir que leur passé peut amener un plus grand risque pour leur enfant, et nous voulons comprendre pourquoi.»

Mères recherchées

Pour mener à bien ses recherches, l'équipe de Karine Baril rencontrera, au cours des prochaines semaines, des mères qui ont été victimes d'agression sexuelle durant l'enfance. «Avec ces mères, nous aurons deux rencontres individuelles de deux heures chacune, explique la coordonnatrice du projet. Il n'y a pas d'autre suivi par la suite. Durant ces rencontres, nous discuterons des événements marquants de leur vie.»

L'équipe est présentement à la recherche de candidates dans la région de Sherbrooke et Montréal. Les candidates admissibles sont des mères qui ont été victimes d'agressions sexuelles dans l'enfance et qui ont au moins un enfant âgé de 12 à 18 ans.

Renseignements : 1 888 463-1835, poste 61748